Martin Margiela, le nom évoque surement pour vous l'avant-garde de la mode, mais aujourd'hui, c'est dans l'Art contemporain qu'il fait parler de lui.
Maintenant loin des podiums, on reconnaît tout de même encore bien sa patte :
déstructurer, questionner, renouveler.
Le créateur s'est lancé dans une quête artistique où chaque fil et chaque texture deviennent un message, une réflexion sur notre monde.
En tant qu'artiste, fidèle à lui-même et à l’audace qu'on lui connaît, il continue d'explorer les thèmes qui ont marqué sa carrière dans la mode :
l'effacement, la transformation et l'impermanence.
Ses œuvres d'art sont des extensions de ses explorations en tant que créateur de mode, où il a constamment remis en question les normes et les attentes. De toute façon, la mode pour Margiela n'était jamais juste de la mode ; c'était une façon de questionner, de déconstruire, de repenser.
Si ses vêtements défiaient la notion d'éphémère, ses œuvres d'art s'attaquent à des thèmes plus larges : C'est comme si chaque pièce murmurait ...
"rien ne dure, tout change, et c'est là toute la beauté."
C’est en fait le reflet d’une fascination pour le processus de vieillissement, la dégradation, et la manière dont ces éléments peuvent transformer l'esthétique d'un objet.
Un exemple saisissant est "Red Nails", une œuvre qui interroge la conception mouvante de la beauté et le "mauvais" goût. Les faux ongles rouges, symboles de séduction féminine standardisée, deviennent ici un commentaire sur l'uniformisation et le cliché. Cela reflète l'intérêt de Margiela pour la manière dont les codes de la beauté et de la féminité se forment et évoluent
Il s'intéresse non seulement à la beauté dans l'état actuel des choses, mais aussi à leur potentiel de transformation et de renaissance.
Prenez par exemple Dust Cover : vous connaissez ces housses qu'on met sur les voitures pour les protéger de la poussière ? C'est un peu comme jouer à "devine ce qui est caché" :
ici, l'invisible est au centre. Cette pièce interroge ce qui est caché sous la surface, symbolisant nos secrets et nos vérités non dites. Margiela nous pousse à imaginer et à chercher le sens derrière l'apparente absence. L’idée, c'est que ça nous fait réfléchir sur ce qu'on cache, ce qu'on montre, et pourquoi on le fait.
C’est d’ailleurs une transition toute trouvée vers une autre œuvre : Déodorant.
Bon, grosso modo, c’est ni plus ni moins qu’une immense photo d’un déo. Mais c’est intéressant pour deux choses :
• Déjà, c’est pas anodin d’exposer un objet aussi banal au centre d’une expo et en aussi grand. En transformant des objets ordinaires en œuvres d'art, on nous invite à remettre en question nos perceptions de la valeur et de la beauté.
• Ensuite, en utilisant l'image d'un déodorant, un produit quotidien conçu pour masquer les traces du temps et de l'effort, il pose des questions sur notre désir de contrôler et de cacher les processus naturels.
C'est une réflexion sur notre obsession de la perfection et sur la façon dont nous tentons de domestiquer l'impermanence. Un objet banal qui témoigne de notre désir de contrôler et de cacher notre nature. Margiela le transforme en une allégorie de la tension entre l'authenticité et l'artifice, un commentaire sur notre société obsédée par l'image.
De manière générale, Margiela s'intéresse à la façon dont les objets ordinaires peuvent être transformés en symboles puissants. Il nous invite à regarder au-delà de la surface et à explorer les couches de sens cachées dans le quotidien.
Sa philosophie artistique se concentre sur l'importance de l'inachevé, du processus de transformation, plutôt que sur le produit fini. Cela se reflète dans sa manière de laisser ses œuvres évoluer et se dégrader avec le temps.
L'art de Margiela, c'est toujours un point de vue profond sur des choses apparemment simples. C'est un art qui ne se prend pas trop au sérieux mais qui, en même temps, vous fait réfléchir plus que prévu. C’est un rappel puissant que l'art est un processus vivant, en constante évolution. Il nous invite à reconsidérer notre façon de voir les objets du quotidien, les transformant en méditations profondes sur l'existence, la transformation et l'identité. Sa démarche artistique est un voyage fascinant à travers le temps, l'espace et le soi, une exploration qui redéfinit ce que signifie être un artiste dans le monde contemporain.